Puy-de-Dôme : Blanchiment d'argent 700.000 € évaporés dans la nature

Puy-de-Dôme : Blanchiment d'argent 700.000 € évaporés dans la nature

Abus de confiance , blanchiment d'argent 700.000 € disparut

Un autre monde. Celui où l’on parle de centaines de milliers d’euros comme on irait acheter une baguette et des croissants à la boulangerie du coin de la rue.
Les deux prévenus travaillaient pour une très grosse holding clermontoise. La tête d’une galaxie de sociétés spécialisées dans l’hôtellerie, l’immobilier et l’automobile.

De Royat jusqu’à Dubaï, en passant par la Suisse et le Luxembourg...

L’un, 51 ans aujourd’hui, était chargé de la promotion immobilière et de la gestion du parc locatif. Ça, c’est pour les fonctions officielles. Car pendant onze ans, il a aussi été « l’homme de vie » du patron de la holding. Toujours là pour « exécuter les ordres » et autres missions de confiance en toute discrétion. Le second prévenu, 75 ans, était assistant commercial mais surtout un « cousin proche » du patron de la holding, mort l’an dernier à 98 ans.

Entre 2013 et 2015, onze voyages sont effectués vers la Suisse et le Luxembourg. « L’homme de vie » les a tous faits, parfois accompagné du boss. Le cousin était présent, lui, lors de deux déplacements. L’objectif ? Récupérer le montant des « avoirs » que le patron de la société possédait via des comptes à l’étranger, pour les mettre dans un coffre d’une banque auvergnate ou dans son coffre personnel, à son domicile de Royat. À chaque fois, 100.000 € au moins étaient rapportés en liquide. L’argent traversait les frontières à l’aide d’un passeur.

« En Suisse, c’est le banquier qui faisait office de passeur »

« En Suisse, c’est le banquier qui faisait office de passeur, précise “l’homme de vie”. On se donnait rendez-vous à Paris ou à Lyon dans un bar. Il dissimulait l’enveloppe dans un journal et il me la donnait discrètement. »

Tout était au mieux dans le meilleur des mondes des paradis fiscaux jusqu’au 3 avril 2015. Ce jour-là, « l’homme de vie » aurait placé environ 770.000 € dans le coffre de Royat. Le patron lui aurait ensuite confié 80.000 € en liquide pour une transaction immobilière. Un mois plus tard, un mystérieux cambriolage est commis dans la résidence. Rien n’est fouillé, ni dérangé. Sauf le coffre. Une plainte sera déposée, mais seulement au mois de novembre. Le patron déclare le vol de 12.000 €. Tandis que les prévenus assurent que le coffre a été vidé des 700.000 € restants.

 

« Un professionnel de la fraude fiscale, spécialiste des paradis fiscaux. On compte des millions d’euros à l’étranger ! »

Cette somme, qui n’a aucune existence légale, est l’objet d’un litige entre les héritiers du patron décédé et les prévenus. « La question, c’est : “Où est passé cet argent??” », résume Hervé Lhomme au parquet. Car une chose est sûre, il n’est ni dans le coffre de la banque, ni dans celui de Royat. « Il a été dérobé durant le cambriolage », maintient « l’homme de vie ».

Avocat du cousin, Me Chautard se tourne vers le ministère public : « Le patron de la holding, c’est l’ordonnateur du blanchiment, un professionnel de la fraude fiscale, spécialiste des paradis fiscaux. On compte des millions d’euros à l’étranger ! Comment se fait-il que le parquet ne poursuive pas ? ».  Sur la question de la fraude fiscale, Me Fribourg, avocat de la famille du défunt, se charge de répondre : « Les virements en Suisse, au Luxembourg et à Dubaï ont fait l’objet d’une procédure de repentir. Il y a eu une régularisation auprès de l’administration fiscale. » Pour lui, les tableaux de comptes des coffres étaient falsifiés par les prévenus et « le stratagème pour faire disparaître les sommes, ça a été le vol lors du cambriolage ».

S’ils ne contestent pas la « complicité de blanchiment », les avocats de « l’homme de vie », Mes Niels et Borie, plaident une relaxe pour l’abus de confiance et le vol de l’argent réclamé par les héritiers.

Le tribunal leur donne raison et relaxe les prévenus pour l’abus de confiance. Ils sont en revanche condamnés pour blanchiment d’argent. Le cousin écope de quatre mois de prison avec sursis et 3.000 € d’amende, le second de huit mois avec sursis et 10.000 € d’amende.

Quant aux 700.000 €, la justice ne saura donc pas où ils sont passés… 

Source : la montagne